Startup : sans pivot point de salut

"La vie n'est pas un long fleuve tranquille" nous suggérait Etienne Chatilliez. En se lançant dans l'aventure d'une startup, on ne s'attend effectivement pas à couler des jours paisibles. Le principe même de l'innovation étant de faire différemment d'avant, forcément, ça secoue.

Toute la subtilité consiste à évaluer quand persévérer (qualité première de l'entrepreneur) et quand "pivoter". Le timing est bien le juge de paix qui va déterminer le succès ou l'échec d'une idée. Le nerf de la guerre, c'est l'argent. Persévérez trop longtemps et vous brulez votre cash et perdez votre capacité de développement. Pivotez trop souvent, et vous n'arrivez jamais à accrocher un marché pour faire rentrer des revenus et démontrer la fameuse traction qui va vous porter vers les sommets.

"Qui de la poule et de l’œuf..."

Quand on se lance dans une innovation, on a une vision. On se projette sur un marché avec une idée neuve qui va tout casser. J'en parle en connaissance de cause. Avec STIMSHOP, notre vision en 2013 était le Smartpot, sorte d'Euromillion des magasins sur mobile. On a vite compris que la sempiternelle question du "qui de la poule et de l’œuf..." allait nous rendre la tâche impossible. Pour intéresser les consommateurs, il faut des magasins proches dans lesquels jouer. Pour avoir des magasins participants, il faut promettre un trafic et donc avoir une audience de consommateurs. Amorçage du jeu très compliqué sans un investissement en communication très conséquent.

Nous avons donc changé de stratégie. Avec notre technologie ultrason brevetée, nous avons créé des services mobiles en magasin : jeux localisés, informations produits contextualisées, gestion de l'attente, Product Locator. Mais l'innovation en France n'est pas une priorité. Surtout dans le secteur du Retail. Faire émerger une innovation nécessite une abnégation sans faille. Après deux années de "POC" (Proofs of Concept) plutôt réussis, nous n'avons toujours pas de déploiement massif à notre actif. Tout se passe comme si les enseignes se servaient de l'innovation pour communiquer, mais pas forcément pour appliquer une stratégie digitale clairement définie. Là encore, le timing joue contre nous. Nous sommes trop en avance de phase sur le marché. Les Retailers ne sont pas prêts à déployer des services sur mobile en magasin par manque de stratégie digitale, manque de compétences en interne pour déployer les services, former les équipes, gérer les contenus. Même si tout le monde s'accorde à dire que le consommateur n'attend que ça, la tâche est bien trop grande pour être embrassée en une seule fois. Avoir raison trop tôt, c'est la mort de l'entrepreneur innovant.

"De Bricomarché aux Centrales Nucléaires"

Heureusement, la sérendipité est venue à notre secours. J'ai reçu un coup de fil d'un responsable de la Centrale Nucléaire de Gravelines qui avait lu un article sur notre technologie ultrason suite à une opération jeu avec eDF. Au départ, j'ai cru à une blague d'un ami. Bien m'en a pris d'écouter sa suggestion car nous avons découvert que nous pouvions apporter la communication sans fil là où les ondes radios ne sont plus opérationnelles ou pas permises. J'ai décidé de concentrer nos efforts commerciaux vers l'Industrie. D'un "nice to have" dans le Retail, nous devenons un "must have" dans l'industrie. De Bricomarché aux Centrales Nucléaires. Quel pivot ! En explorant ce nouvel univers, nous avons ouvert des portes vers les industries avec environnements Atex, électro sensibles, ultra sécurisés, l'IoT industriel. Nos cibles sont maintenant eDF, Areva, Safran, Thalès, la DGA et même l'Agence Spatiale Européenne pour réduire les câblages par la communication sans fil sans interférence. En tant que premier acteur sur un marché aussi vaste, nous avons une belle carte à jouer. Notre vision à moyen terme, c'est MultiSonic, un connecteur ultrason "plug & play" qui va faciliter le déploiement international de notre technologie.

Aujourd'hui, je suis confronté au financement de ce nouvel amorçage pour attaquer ces nouveaux marchés. La BPI a déjà donné. Le banquier ne fait pas son travail (même avec une garantie de la BPI à 70%). Me voilà reparti pour une levée de fonds avec le handicap de cette traversée du désert qui existe en France entre l'amorçage et la série A. Les fonds de Venture Capital nous regarderont quand nous aurons fait preuve de traction avec 1M€ de CA. Reste à convaincre les fonds Corporate et les Business Angels que nous allons rapidement devenir la référence de la communication sans fil en milieux contraints.

A l'heure où j'écris ces lignes, je ne sais pas si notre pivot va réussir. J'ai juste la conviction que nous tenons une nouvelle technologie prometteuse et que nous avons la bonne équipe et l'énergie pour la faire émerger. Si l'aventure vous tente, rejoignez nos Business Angels sur la plateforme EUROQUITY de BPI France.

Pour conclure, à vous postulant entrepreneur, je dirai de rester ouvert et curieux pour pivoter au bon moment, d'être persévérant sans vous entêter, et de veiller à l'efficacité de chaque euro dépensé. Vous mettrez toutes les chances de votre côté pour faire de votre entreprise une réussite humaine, et pourquoi pas financière.

Je vous souhaite à vous qui avez pris le temps de me lire, une année 2018 pleine de bonnes surprises et de concrétisation de vos projets.

Dominique PALACCI (CEO STIMSHOP)